Nous allons voir ce qui lit cos, sin et exp. Un nombre complexe admet trois écritures : sa forme algébrique (z = x + iy), sa forme trigonométrique (z = r[cos(t) + isin(t)]) et… sa forme exponentielle (z = exp(it)). Jusqu’en 2020, les élèves de terminale de France voyaient cette dernière forme comme parachutée. Dans cet article, je vous propose de vous expliquer les raisons pour lesquelles on se permet d’utiliser une telle notation.
Une approximation par des polynômes pour connaître le lien entre cos, sin et exp
La fonction sinus
Commençons par parler de la fonction sinus; il y a une chose qui est plutôt marrante : on peut l’approximer à l’aide de polynômes… Regardez plutôt:
Au début, on trace la courbe représentative de la fonction g : \(x \mapsto x\), qui colle assez bien à la courbe de la fonction sinus sur [-0,5 ; 0,5]. On modifie alors la fonction g pour \(g(x)=x-\frac{x^3}{3!}\), où « 3! » désigne la « factorielle de 3 », c’est—dire \(1\times2\times3\), et on voit que sa représentation graphique colle un peu mieux à celle de la fonction sinus qu’auparavant… On continue alors avec \( g(x)=x-\frac{x^3}{3!}+\frac{x^5}{5!}\) et ça colle encore mieux.
On continue alors sur le même schéma et en fait, on peut assez vite se rendre compte que plus on ajoute de termes sur le même modèle, plus la courbe colle à celle de la fonction sinus. On arrive même à démontrer qu’à l’infini, il y a égalité:$$\sin(x)=\sum_{n=0}^{+\infty}\frac{(-1)^nx^{2n+1}}{(2n+1)!}$$Dans cette somme, il n’y a que des puissances impaires de x.
La fonction cosinus
Pour la fonction cosinus, on va faire de même en changeant légèrement le modèle:
Cette fois ci, les puissances de x qui interviennent sont non plus impaires, mais paires (quoi de plus normal dans la mesure où la fonction cosinus est paire alors que la fonction sinus est impaire). On arrive à démontrer que:$$\cos(x)=\sum_{n=0}^{+\infty}\frac{(-1)^nx^{2n}}{(2n)!}$$
La fonction exponentielle
Continuons sur notre lancée avec la fonction exponentielle:
Cette fois, on peut démontrer que:$$\exp(x)=\sum_{n=0}^{+\infty}\frac{x^n}{n!}$$Attention: les vidéos ne permettent pas de démontrer les trois égalités; elles ne servent qu’à visualiser que pour les premières valeurs de n, ça fonctionne. Les démonstrations rigoureuses ne peuvent se faire qu’une fois un niveau de mathématiques acceptable acquis.
Quoi qu’il en soit, nous voyons que la formule sur la fonction exponentielle ressemble aux deux autres, à peu de choses près…
Les puissances de « i »… pour aller vers le lien entre cos, sin et exp
Vous le savez peut-être, un nombre complexe est défini comme étant un nombre algébrique abstrait qui peut s’écrire sous la forme z = x + iy, avec i²=-1. De cette définition, on peut alors écrire:$$\text{i}^3=\text{i}^2 \times \text{i}=-1 \times \text{i} =-\text{i}.$$De plus, $$\text{i}^4=(\text{i}^2)^2=(-1)^2=1.$$On démontre alors que pour tout entier naturel n,$$\text{i}^{4n}=1,\ \text{i}^{4n+1}=\text{i},\ \text{i}^{4n+2}=-1,\ \text{i}^{4n+3}=-\text{i}.$$Autrement dit,$$\text{i}^{2k}=(-1)^k\text{ et }\text{i}^{2k+1}=(-1)^k\text{i}.$$
cos(x) + isin(x)
Bon, ben avec tout ça, on va pouvoir avancer et voir le lien entre cos, sin et exp…$$\cos(x)+\text{i}\sin(x) = \sum_{n=0}^{+\infty}\frac{(-1)^nx^{2n}}{(2n)!} + \text{i} \sum_{n=0}^{+\infty}\frac{(-1)^nx^{2n+1}}{(2n+1)!}$$et:$$\begin{align}\exp(\text{i}x) & = \sum_{n=0}^{+\infty}\frac{(\text{i}x)^n}{n!} \\ & = \sum_{n=0}^{+\infty}\text{i}^n\frac{x^n}{n!} \\ & = \sum_{k=0}^{+\infty}\text{i}^{2k}\frac{x^{2k}}{(2k)!} + \sum_{k=0}^{+\infty}\text{i}^{2k+1}\frac{x^{2k+1}}{(2k+1)!} \\ & = \sum_{k=0}^{+\infty}(-1)^k\frac{x^{2k}}{(2k)!} + \sum_{k=0}^{+\infty}\text{i}(-1)^k\frac{x^{2k+1}}{(2k+1)!} \\ & = \sum_{k=0}^{+\infty}(-1)^k\frac{x^{2k}}{(2k)!} + \text{i} \sum_{k=0}^{+\infty}(-1)^k\frac{x^{2k+1}}{(2k+1)!} \\& = \cos(x) + \text{i}\sin(x). \end{align}$$
Et voilà pourquoi on peut se permettre d’utiliser une notation exponentielle à la place d’une notation trigonométrique. C’est certes plus pratique dans les calculs, mais c’est surtout parce que nous avons une parfaite égalité!
En France, les nombres complexes sont sortis du programme « standard » pour se retrouver enseignés en « maths expertes ».
Merci pour la justification
Quand j’étais au lycée on m’avait appris que la formule de Moivre ne s’appliquait qu’aux exposants entiers (relatifs). En passant par exp(ix) on démontre facilement que la formule marche pour tout n réel. Comment résoudre ce paradoxe?
La formule de Moivre concerne en effet les exposants entiers, mais elle est aussi valable pour les exposants réels. C’est juste que ça ne s’appelle plus la « formule de Moivre ». Cela s’explique sans doute en regardant l’historique: Abraham de Moivre a vécu de 1667 à 1754. Or, le développement en série est apparu avec Cauchy (si je ne me trompe pas), soit au XVIIIème siècle. Moivre a dû démontrer la formule uniquement sur les entiers, sans avoir les outils suffisants pour démontrer qu’elle était vraie pour les réels (mais là, je ne suis pas sûr que cette explication soit la bonne; ce n’est qu’une supposition qui semble probable).
Pendant 42 ans, j’ai donné la démonstration aux élèves en DM tous les ans. Voici un lien vers l’énoncé :
https://u.pcloud.link/publink/show?code=XZJoR2XZTuab9mg2XqjR6zQJhPt5HbuxhXPX
Merci !